Escale éphémère à Mpanda où un autre télégramme nous attendait. Un colis, qui nous a été remis il y a quelques jours, doit être impérativement déposé à Kasama avant la fin de journée. 

Ah ça, c’est le bouquet ! Nous qui comptions nous reposer ici jusqu’au lendemain matin… 

Quand même ! Quand on y réfléchit… Une livraison avant ce soir ! Ceux du bureau, là-bas, calfeutrés près du radiateur, n’ont vraiment pas le sens des réalités.

Ma parole, ces pingouins-là n’ont jamais voyagé !...

Ils n’y connaissent rien au rythme des jours sous les latitudes tropicales et équatoriales, où, c’est bien connu, la nuit tombe avec une rapidité incroyable. Comme un couperet. Un peu comme si on appuyait sur l’interrupteur de la lampe de chevet, pour se retrouver dans l’instant même au milieu d’épaisses ténèbres peuplées de fantômes ! 

Partir en cette heure avancée de l’après-midi, c’est, avec certitude, jouer encore une fois avec le feu. Car le « timing » nous promet à coup sûr une belle partie de cache-cache avec le crépuscule.

 
Mais enfin..., le boulot, c’est le boulot ! Aller… Soyons philosophes. Ceci, nous rappellera certes des souvenirs pas si lointains… Et puisqu’il en est ainsi, prenons notre courage à deux mains et tournons la manivelle.

D’ailleurs, chez Fauve Aviation, on a le goût du risque, et on aime les sueurs froides… 

On bat le rappel des passagers et on embarque. Ne traînons pas, il pourrait nous en cuire. 

Bien qu’étant partis à contrecœur, nous faisons route dans d’excellentes conditions. Rien à voir avec l’étape précédente qui nous avait fait grimper la tension artérielle dans le rouge, et mis les boyaux en capilotade. Nous avions rudement dégusté, ça, on peut le dire !

Aujourd’hui, tout le monde à bord est serein. Les uns papotent tranquillement, tandis que d’autres admirent le paysage, bientôt éclairé par le plus magnifique des soleils couchants, le nez écrasé contre le hublot. 

L’heure avance, mais l’équipage reste confiant. Vu la tournure des choses, nous arriverons à destination peut-être in extremis, mais sûrement à temps. Nous sommes désormais rodés à ce genre de sport. 

Ce pronostic est en effet le bon. Nous posons nos roues à Kasama juste avant que le rideau ne tombe sur l’obscurité totale.

Dans la satisfaction du devoir accompli nous remettons le fameux colis à son destinataire en mains propres. 

Ouf ! Mission couronnée de succès. Nous avons mérité de marquer le coup… Nous ferons la fête ici ce soir.
 

A part que maintenant, on attend les remerciements du bureau central. Sans trop y croire…