Quand ça ne passe pas dessous, on passe dessus

      Pour éviter la déconvenue du vol aller, nous avons donc décidé de passer dès la montée initiale au dessus de la couche ...  nous serons beaucoup plus en sécurité dans cette situation, que de voler entre un relief omniprésent et une couche nuageuse dont le plafond ne cesse de fluctuer. La météo prise sur Avignon nous offre une opportunité énorme : un ciel bleu entièrement dégagé de nuages !  Nous sommes donc quasi certain qu'à notre arrivée, nous pourrons nous faufiler pour nous poser sans percer cette satané couche, qui fait tant défaut aux pilotes privés non qualifiés IFR.

      Au sol, depuis le parking de l'aéroclub de Castres, nous voyons au loin l'importante barrière de nuage formée par les entrées maritimes dont la base est annoncée aux alentours de 1500 ft, et même 1100 ft sur Montpellier (dernier Métar). Dans ces conditions, hors de question de passer dessous comme ce matin, nous ferons le vol On Top du long.  Un FI local nous informe même que  ces entrées  maritimes se renforcent  habituellement en milieu de journée, finissant même par toucher le sol par endroit. Autant dire  que dans ces conditions, passer dessous serait suicidaire. Pour information, ceux qui ne connaissent pas la zone que nous devons traverser au retour, elle a malheureusement été rendu tristement célèbre par le décès y'a quelques semaine de Renaud Ecalle et de sa famille. Ce sont dans ces mêmes conditions météo, que l'accident s'est produit (certes avec un appareil nettement moins équipé que notre Avidyne) ... cependant, un tel champion qui perd la vie dans un tel accident, donne à réfléchir sur ses propres capacités à réaliser un vol dans des conditions aussi risquées. Le terrain de destination est NSC (pas de nuages significatifs), donc on décide de monter en On Top dès le départ. 

     Maintenant, pour parler de manière plus légère, nous avons le ressenti d'aborder ce vol comme un vol commercial à haute altitude (ahhhh ces simmers alors !!!). Décollage de LFCK, montée en niveau de vol, passage au dessus de la couche non pas au FL 330 mais plus modestement au FL 055 ... un vol de 70 minutes prévus dont 50 minutes seront effectués sans voir le sol. Alors même si nous pilotons qu'un Piper Archer III, on peut se prendre à rêver un instant que notre vol aura le même effet qu'un vol commercial, comme nous pouvons en effectuer sur Flight Simulator. Surtout que cette après midi, c'est bien la première fois que je vais effectuer un vol complet au dessus des nuages. Du On Top, nous avions déjà effectué, mais là quand même, c'est assez extraordinaire de voir depuis la piste la barrière de nuage à franchir par le dessus et de savoir que nous pourrons enfin descendre qu'en entrée de CTR d'Avignon dans une zone de percée ouverte rien que pour nous.    

      Quatorze heures quarante cinq, nous voilà réunis tous les trois dans les locaux de l'aéroclub de Castres Mazamet. Accueil remarquable dans cette structure, ou l'un des instructeurs nous a conduit dans un restaurant fort sympathique, un grand merci à lui. Thierry termine la prévol, j'installe notre passagère de marque, le temps que je peaufine les derniers documents de vol. La faisabilité de faire une directe Mazamet - Nîmes est réalisée (pas de zone particulière à prendre en compte). Le retour sera des plus simple : rotation en 14, montée dans l'axe pour éviter le survol de la zone militaire qui jouxte le terrain, prise de cap pour une directe de 45 minutes sur Nîmes. Ensuite, cap vers LFMV en attendant la touée pour redescendre.

       Quinze heures, alignés en piste 14, piste qui a une pente de 100 ft entre les deux extrémités, c'est certain, de notre position, la piste monte. Thierry met les gaz, la machine s'élance et la rotation est effectuée. La montée initiale est chahutée par un vent d'Autan de 30 kt, avec un angle de 20° sur la gauche ... ça tabasse quelques minutes et une fois la ville de Mazamet franchie, ça se calme. Il ne faut pas trainer pour monter car la couche est proche du terrain, et c'est stable à 3500 ft que nous passons les premiers nuages (voir vidéo en fin  d'article).

       Contact avec le SIV de Toulouse, on demande de libérer 3500 ft car les nuages sont juste sous nos roues ; nous sommes autorisés au FL 055 ... c'est chose faite. On passe ensuite avec Montpellier Info. La contrôle nous apprend dans une conversation avec un appareil que le terrain vient d'être classé en VFR Spécial. De notre position, un beau ciel bleu et un soleil omniprésent nous laisse présager le pire à notre arrivée sur Avignon. Plus on avance en direction de la Provence, plus la couche a tendance à s'épaissir, et on a du mal à croire Météo France sur le NSC de LFMV. Cependant, au lointain, il semble néanmoins que la zone s'éclaircit.

      Le Ventoux est en vue, et on passe maintenant la ville Nîmes, une belle couche épaisse sous nos pieds ne nous laisse même pas  entrevoir le sol. C'est soudé (voir vidéo). Nous sommes à 9 minutes de LFMV, dixit le menu TRIP du Multi-Fonction-Display de notre Avidyne. Il faut commencer à attaquer la descente. La couche est toujours présente, Thierry demande 3500 ft ce qui devrait nous positionner toujours en VMC. C'est accordé. 

      Notre machine descend gentillement et c'est seulement en entrée de CTR que le ciel bouché sous nos pieds  s'ouvre subitement devant nous au moment même où notre machine passe enfin sous les 3000 ft. Les entrées maritimes se terminent brutalement, comme coupées au couteau, juste à l'entrée de la CTR d'Avignon. Le TAF nous a quand même annoncé que ces entrées recouvriront toute la Provence dont notre terrain de destination à compter de 17h30, heure locale. Il est seize heures, et c'est encore une météo idéale pour se poser en toute sécurité.

      Autorisé longue finale 35, pour nous permettre de descendre avec un vario raisonnable pour nos oreilles. Il est vrai que débouler au Fl 055 si près du terrain n'est pas du tout dans nos habitudes mais aujourd'hui, nous n'avions pas le choix. Thierry rallonge la base, et c'est en longue finale que notre machine se présente sur une piste dégagée par vent calme.

      Un atterrissage assouplie pour rassurer notre passagère peu habituée à ce genre de vol, et c'est un roulage  par le pied  de la Tour qui nous ramène au parking de l'aéroclub Vauclusien. Une journée aéronautique pleine d'enseignement avec une matinée dans la crasse avec des itinéraires ré-actualisés en fonction des conditions VMC, un retour tout en sécurité au dessus de la couche, et des conseils très éclairés d'un instructeur local qui nous a permis de connaitre un peu plus les rouages météorologiques de la région Castraise.